Photo Vanessa Nice, Place Garibaldi le 23/03/19
PDF : Arrêt de la Cour administrative d’Appel de Marseille du 24 janvier 2022
PDF : Arrete_prefectoral_du_22_mars_2019
Communiqué de Maitre Rosanna LENDOM, Avocate au barreau de Grasse ayant obtenu l’arrêt:
L’ARRÊTÉ PRÉFECTORAL AYANT INTERDIT AUX GILETS JAUNES DE MANIFESTER A NICE LE 23 MARS 2019 – JUGÉ DISPROPORTIONNÉ – EST ANNULÉ PAR LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE
L’arrêté pris par le Préfet des Alpes-Maritimes le 22 mars 2019 interdisant les manifestations des Gilets Jaunes à NICE le 23 mars 2019 est annulé par la Cour
administrative d’appel de MARSEILLE par un arrêt en date du 24 janvier 2022, jugeant disproportionnée l’atteinte portée par le Préfet à la liberté de se rassembler et de manifester.
Par un arrêté du 22 mars 2019, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la Préfecture des Alpes-Maritimes, le Préfet des Alpes-Maritimes avait prescrit l’interdiction de manifester du samedi 23 mars 2019 à 4h au lundi 25mars 2019 à 12h sur la Commune de Nice, Villefranche-Sur-Mer, Saint-Jean-Cap-Ferrat, Beaulieu-Sur-Mer, Eze, Cap-d’Ail, La Turbie.Pour prescrire l’interdiction en litige, le préfet s’était fondé sur la circonstance que le Président
de la République Populaire de Chine et le Président de la République française effectueraient un déplacement simultané dans le département des Alpes-Maritimes du dimanche 24 mars 2019 au lundi 25 mars 2019 et qu’il serait nécessaire d’assurer un au niveau de sécurité l’ordre public
pour cet événement.
Le Préfet énonçait qu’en outre un conflit social majeur occasionnerait dans l’ensemble de la France, dont les Alpes-Maritimes et en particulier à Nice dans l’agglomération niçoise, de graves troubles à l’ordre public ; que cette situation dure, en outre, depuis plusieurs mois.En application de cet arrêté, près de 80 interpellations avaient eu lieu entre le 23 et le 24 mars 2019 à NICE principalement au motif que la manifestation avait été interdite, outre la charge ayant donné lieu à la chute de Madame Geneviève LEGAY.
Dans le cadre de son recours, le requérant avait rappelé que le 14 février 2019, trois experts des Nations unies avaient estimé dans un communiqué que « le droit de manifester en France[avait] été restreint de manière disproportionnée lors des manifestations récentes des ‘gilets jaunes’ et [que] les autorités devraient repenser leurs politiques en matière de maintien de l’ordre pour garantir l’exercice des libertés ».
Le 26 février 2019, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à la suited’une visite en France le 28 janvier précédent, avait publié un mémorandum dans lequel elle fait part de vives préoccupations quant à la gestion des manifestations des « gilets jaunes ».
Le 12 mars 2019, Jacques Toubon, Défenseur des droits, avait rendu public son rapport d’activité 2018. Ce dernier mettait notamment en exergue l’émergence d’un nouvel ordre fondé sur la suspicion mais aussi la continuité entre l’état d’urgence et les interpellations préventives,intervenues dans le cadre du mouvement des « gilets jaunes ».
Par un arrêt en date du 24 janvier 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille a fait droit aux arguments du requérant et annulé à la fois le jugement de première instance rendu par le Tribunal administratif de Nice le 17 juillet 2020 ainsi que l’arrêté pris par le préfet des Alpes-Maritimes le 22 mars 2019 et a jugé que :
« D’une part, s’agissant de la commune de Nice, le préfet s’est fondé sur un risque de débordements violents liés au mouvement des « gilets jaunes ». Si l’« acte 18 » de ce mouvement avait donné lieu le samedi 16 mars précédent à de nombreuses violences et dégradations à Paris, il est constant que les manifestations des « gilets jaunes » à Nice depuis novembre 2018 étaient restées pacifiques. Le visuel d’un message anonyme sur le réseau social «Twitter », seul élément circonstancié produit par le ministre en appel, ne constitue pas, compte tenu des informations dont disposent les autorités de l’Etat, un élément à lui seul suffisamment probant pour établir la réalité et l’ampleur de risques de troubles à l’ordre public que l’interdiction visait à prévenir.
En outre, contrairement à ce qu’avance le ministre de l’intérieur sur l’indisponibilité des forces de police, le préfet des Alpes-Maritimes disposait, selon ses propres termes, de « renforts impressionnants » pour assurer le maintien de l’ordre dans le cadre de la visite des chefs d’État.
Eu égard aux forces de police à la disposition du préfet et aux dates de la visite des chefs d’Etat, les 24 et 25 mars, l’interdiction de se rassembler et de manifester le samedi 23 mars, dont il n’est pas établi qu’elle aurait seule été de nature à préserver l’ordre public, est disproportionnée.
D’autre part, le préfet et le ministre ne font état d’aucun risque de trouble à l’ordre public sur le territoire des communes de Villefranche-sur-Mer, Saint-Jean-Cap-Ferrat, Beaulieu-sur-Mer, Èze,Cap-d’Ail et La Turbie, où aucune manifestation de « gilets jaunes » n’était prévue.
Ainsi que l’a déjà jugé le Conseil D’État (CE, 12 nov. 1997, n° 169295, au Recueil), la visite d’un chef d’État étranger n’est pas en elle-même de nature à justifier l’interdiction des manifestations et rassemblements, en l’absence de menace de troubles à l’ordre public. La nécessité de cette mesure dans les communes concernées n’est donc pas établie. »